Une petite fille blonde aux doux yeux bleus rieurs se promenait en compagnie de sa maman et de ses deux sœurs. L’automne était magnifique, les feuilles brun orange des arbres luisaient, ruisselantes d’une lourde pluie sauvage, les grosses larmes liquides éclataient à leur surface en des millions de gouttelettes qui se laissaient glisser au gré des nervures obscures, s’enroulaient autour des branches noueuses et roulaient lentement vers le tronc craquelé ; les plus chanceuses atteignaient rapidement le sol et pénétraient la terre molle où elles étaient absorbées par des racines avides. L’air devenait lourd, malsain, il faisait un peu trop chaud et surtout trop humide.
La petite serrait autour de son cou une écharpe bicolore, elle serrait les lèvres pour ne pas aspirer la manne céleste. Elle ouvrit la bouche pour demander à sa maman de marcher moins vite et la gorge lui brûla tout d’un coup, en même temps son nez sembla éclater au milieu de son visage.
C’est ce jour-là qu’elle commença à tousser, d’une toux criarde et surprenante, lui rougissant les joues sous l’effort, qui faisait penser à des coups sourds frappés au fond d’une grotte.
Sa maman la soigna, se disant qu’avec ce temps, ce n’était qu’un refroidissement banal : du lait chaud, un baume aux herbes sur la poitrine, une couverture supplémentaire sur le petit lit placé dans une chambre non chauffée où en hiver, le gel dessinait de superbes fleurs cristallines sur le bas des vitres.
Aujourd’hui, plus de quarante ans après, la toux est toujours là, tenace, qui menace et affaiblit, et la petite fille a toujours peur de s’entendre tousser, elle se perd en des quintes interminables qui lui coupent le souffle et la laissent sans forces. Elle garde, peut-être, dans un tout petit coin de son esprit, une légère rancune envers celle qui ne fut pas assez attentive à sa souffrance.
21/07/2003